Le syndrome du jumeau perdu concerne les personnes dont le jumeau est mort in utéro. Il ne s'agit pas de la mère mais du jumeau survivant qui, parfois, développe un ensemble de symptômes (syndrome) lié à cette perte précoce.
Un nombre assez important (10% environ) de grossesses débute par une grossesse gémellaire puis, pour des raisons physiologiques, un des foetus meurt in utéro. Le plus souvent, cette mort intervient dès les premiers mois et passe inaperçue néanmoins elle peut aussi se produire à un stade beaucoup plus tardif, jusqu'à la naissance.
Avec le développement de l'échographie, on voit à présent la présence du jumeau et sa disparition. Cela donne une réalité à ce qu'éprouve le jumeau survivant. Cela n'a pas toujours été le cas et sans la "preuve" de l'échographie, il n'y avait que le ressenti de la personne. Ce n'est pas toujours facile d'admettre que ce qu'on ressent puisse être la réalité. Pour ces personnes, le simple fait que quelqu'un d'autre entende, reconnaisse et légitime leur souffrance est déjà un grand réconfort.
Les symptômes
Ils sont assez réguliers, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont forcément tous présents avec la même intensité. Un des critères majeurs de ces symptômes est leur caractère diffus. Ils teintent le rapport de la personne à soi et aux autres sans qu'elle puisse souvent les mettre en relation avec un fait concrêt.
- un sentiment de solitude
C'est une solitude fondamentale qui s'exprime doucement même si objectivement la personne est assez entourée. Il y a un sentiment de manque, une tristesse, une mélancolie latente qui constitue comme le socle de la personne. Ce ne sont pas des sentiments violents et ils ne s'articulent pas forcément avec la réalité de sa vie, quelque chose manque sans qu'on puisse savoir quoi.
- Une culpabilité sans objet
c'est la culpabilité du survivant. Son autre a disparu et lui, demeure. Comme cela s'est produit à un stade très précoce, l'éprouvé de la culpabilité ne peut se lier à un évenement conscient ce qui la rend flottante, prête à s'accrocher à tout et n'importe quoi.
- Des échecs qui se répètent
En lien avec la culpabilté, la personne peut éprouver l'impossibilité de réussir soit en général soit dans un domaine en particulier. Une sorte de sabotage inconscient de ce qu'elle entreprend. Comment s'octroyer la possibilité de vivre ou de vivre pleinement alors que l'autre est mort.
- Des diffilcultés avec les liens intimes
le jumeau survivant cherche inconsciement son jumeau, il cherche un lien fusionnel car c'est la nature du lien qu'il a tissé en premier cependant, comme il a vécu la perte brutale de cette fusion, celle-ci sera recherchée et fuie en même temps puisque le savoir inconscient a imbriqué fusion et perte. Du coup la relation intime devient dangereuse, problématique et produit du manque car la personne ne peut pas s'abandonner à la douceur de la relation, elle "sait" que cela ne durera pas et ne veut pas revivre cette douleur profonde. (tous ces mouvements sont en général inconscients)
Ceci est un bref tableau clinique et est évidement un peu froid. En réalité, les personnes que je reçois ont toutes subi un traumatisme fondamental. Ce qui se joue, c'est la perte de l'être qui était là au tout début de leur vie. Elles ont connu avant même de naître la fusion avec cet autre et cela s'est arreté, les laissant seule. Cela crée une tristesse profonde, une grande félure. Cet autre réapparait sous des formes multiples, par les rêves, par des coincidences répétées, par un intérêt pour des thématiques liées à la géméllité, au double, des sensations physiques inexpliquées....
- Que fait-on en thérapie ?
Pour que chacun puisse vivre sa vie, il y a d'abord à reconnaitre que ce jumeau a existé et ressentir l'amour profond qui a uni ces deux êtres et continue, malgré la disparition, de les unir jusqu'à projeter l'autre dans une quête sans fin, à lui faire rechercher la survie plutôt que la vie comme pour être plus proche de celui qu'il a perdu. C'est tout cela qu'il faut retrouver et ressentir pour accepter cette perte, accepter que l'autre soit mort pour se donner la liberté de vivre.
J'ai mis en lien une interview du thérapeute Alfred R Austermann qui parle avec beucoup de justesse et de douceur du vécu du jumeau survivant.